Transformer les pratiques de moindre recours en psychiatrie, ce n’est pas seulement ajouter des outils.
C’est changer la manière d’être ensemble, de comprendre la crise et de partager le pouvoir entre usagers et soignants.

Transformer, ce n’est pas ajouter des outils : c’est changer la manière d’être ensemble

Le débat sur le moindre recours en psychiatrie a souvent été réduit à une question technique :
« Quelles alternatives utiliser ? Quels protocoles mettre en place ? Quels indicateurs suivre ? ».
La réalité est plus profonde.

L’isolement, la contention ou les soins sous contrainte ne sont jamais uniquement la conséquence d’un symptôme.
Ils sont l’expression d’une interaction, d’un contexte, d’une culture de service, parfois d’une organisation sous tension,
souvent d’une relation abîmée.

Dans les établissements que nous accompagnons (CH de Thuir, CH Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, CH Henri-Guerin Pierrefeu,
GHU Paris, et d’autres), nous observons la même dynamique de fond :

  • Lorsque les relations changent, les pratiques changent.
  • Lorsque les pratiques changent, la coercition diminue.
  • Et tout le monde y gagne : soignants et soignés.

C’est cette conviction qui fonde notre approche systémique du moindre recours,
tournée vers la réduction durable des pratiques coercitives en psychiatrie.

Pourquoi le moindre recours est devenu un enjeu central

Une question humaine avant d’être réglementaire

Oui, la Haute Autorité de Santé, le CGLPL, l’ANAP et de nombreuses instances appellent à limiter isolement et contention.
Mais ce mouvement dépasse les normes : c’est un mouvement à la fois éthique, clinique, organisationnel et culturel.

Les enjeux sont réels :

  • Pour les usagers : risque de traumatisme, perte de confiance, rupture de parcours, sentiment d’insécurité.
  • Pour les équipes : fatigue, sentiment d’échec, tensions interprofessionnelles, usure professionnelle.
  • Pour les établissements : recours accru à la contrainte, image fragilisée, attractivité diminuée.

Réduire la coercition, ce n’est pas simplement « faire différemment » :
c’est faire équipe différemment, dans une logique de co-construction, de rétablissement et de
QVCT.

Les limites des approches uniquement techniques

Pourquoi les outils seuls ne suffisent pas

Depuis une dizaine d’années, plusieurs outils ont été introduits en France pour soutenir le moindre recours :
Safewards, désescalade, plans de crise, médiation, salles d’apaisement, protocoles de gestion de l’agitation, etc.

Ces outils sont précieux. Certains sont même indispensables. Mais ils ne peuvent produire leur plein effet que si
l’écosystème relationnel, organisationnel et institutionnel est transformé.

En systémie, on sait qu’un outil isolé, appliqué dans un système qui n’a pas évolué, produit peu d’effet durable.
Il devient :

  • un protocole de plus,
  • un affichage,
  • une « bonne idée » qui ne prend pas racine,
  • parfois même une injonction supplémentaire pour des équipes déjà sous pression.

Nous en sommes convaincus : aucun outil ne peut transformer une culture s’il n’est pas inséré
dans une dynamique relationnelle, collective et institutionnelle. C’est pourquoi nos accompagnements
vont au-delà des outils et s’inscrivent dans une véritable transformation des pratiques.

Notre approche systémique du moindre recours

Comprendre la crise dans son contexte

Nos interventions reposent sur une lecture systémique de la crise, c’est-à-dire :

  • Contextuelle : la crise se joue toujours dans un environnement précis.
  • Relationnelle : elle prend sens dans une dynamique d’interactions.
  • Organisationnelle : elle est influencée par la culture professionnelle et les modes de fonctionnement.
  • Institutionnelle : elle reflète souvent des systèmes de contraintes multiples.

À chaque immersion, nous observons notamment :

  • des tensions « invisibles » dans les unités,
  • des rituels non questionnés,
  • des zones chaudes (admissions, transmissions, sorties),
  • des non-dits organisationnels,
  • des crispations interprofessionnelles,
  • des attentes différentes entre métiers,
  • des fragilités structurelles.

C’est là que se fabrique la coercition.
Et c’est donc là que commence le changement : dans le travail sur la culture, les relations et l’organisation.

Safewards et 6 Core Strategies : des modèles puissants… à condition d’être adaptés

L’importance de l’adaptation au contexte

Nous utilisons les modèles Safewards et 6 Core Strategies parce qu’ils sont robustes,
documentés et inspirants pour la réduction des pratiques coercitives. Mais nous ne les appliquons jamais tels quels.

Chaque établissement est un monde à part entière :

  • une histoire,
  • une culture,
  • une géographie,
  • des équipes,
  • des tensions,
  • des ressources spécifiques.

Nous travaillons avec les équipes pour adapter, traduire et ajuster ces modèles, afin qu’ils deviennent
réellement les leurs.

Quelques exemples d’appropriation :

  • Les « Mots du conflit » peuvent devenir des cartes simplifiées et co-écrites par les équipes pour mieux travailler la désescalade.
  • Les « Attentes mutuelles » peuvent être construites en atelier avec patients et soignants pour expliciter le cadre.
  • Les stratégies de leadership des 6 Core Strategies doivent tenir compte des circuits décisionnels locaux.

Les outils ne transforment pas les pratiques : les relations, oui

Safewards n’a jamais été conçu comme un simple mode d’emploi. C’est une philosophie relationnelle :
assainir les relations pour empêcher les escalades.

6 Core Strategies n’est pas un protocole unique. C’est une vision institutionnelle articulée autour du leadership,
des données, de la formation, de la participation des usagers, etc.

Notre travail consiste à remettre cette philosophie au centre, dans une perspective systémique, co-construite
avec les équipes et les usagers.

Rétablissement, autodétermination, DAP et Plan de Crise Conjoint

Mettre la parole de la personne au coeur

Il est impossible de transformer les pratiques coercitives sans transformer le rapport au pouvoir en psychiatrie.

C’est pourquoi nous intégrons systématiquement :

  • les Directives Anticipées Psychiatriques (DAP), le Plan de Crise Conjoint et les autres mesures d’anticipation ;
  • les outils de rétablissement ;
  • la pair-aidance ;
  • la reconnaissance des savoirs expérientiels.

Dans les établissements que nous accompagnons, ces outils ne sont pas des documents figés :
ce sont des conversations, des négociations, des espaces relationnels.

La crise devient alors un moment préparé, partagé, pensé ensemble – et non une rupture subie, ni pour les usagers,
ni pour les équipes.

Comment nous accompagnons les établissements : une transformation longue, structurée et profonde

Sans dévoiler nos processus, trois piliers concrets

Lire la réalité (et pas la théorie)

Nous partons toujours de la réalité vécue : immersions dans les unités, rencontres avec les équipes et les usagers,
observation fine des dynamiques, analyse des contextes de crise et des pratiques d’isolement et de contention.

Construire avec et non pour

Tout ce que nous mettons en place est co-construit : règles de vie, dispositifs, priorités,
stratégies de moindre recours, outils de suivi. Les équipes restent actrices de leur transformation.

Soutenir dans la durée

La transformation des pratiques ne se décrète pas. Elle se construit dans le temps :
accompagnement, supervision, ajustements, consolidation.

C’est là que réside notre valeur : nous soutenons les équipes dans leur trajectoire de transformation,
pas seulement dans la mise en place d’outils ou de formations ponctuelles.

Une approche gagnant-gagnant pour soignants, usagers et établissements

Pour les équipes : mieux travailler, moins subir

En modifiant la culture et les relations, on modifie aussi la charge mentale. Les équipes :

  • gagnent en cohérence et en lisibilité des pratiques ;
  • arrêtent d’improviser en situation chaude ;
  • se sentent soutenues collectivement ;
  • retrouvent du sens dans le soin ;
  • diminuent les tensions internes ;
  • renforcent leur efficacité clinique ;
  • améliorent la QVCT.

Le moindre recours n’est pas un effort supplémentaire :
c’est une libération pour les équipes.

Pour les usagers : continuité, confiance et rétablissement

Les usagers :

  • comprennent mieux ce qui leur arrive ;
  • participent à leur parcours de soin ;
  • se sentent reconnus et écoutés ;
  • sont moins exposés aux ruptures ou malentendus ;
  • voient diminuer les pratiques coercitives.

Le moindre recours n’est pas un retrait de soins :
c’est une sécurisation des parcours et des liens thérapeutiques.

Pour les établissements : cohérence et attractivité

Nos accompagnements contribuent à :

  • réduire les tensions institutionnelles ;
  • harmoniser les pratiques entre unités ;
  • installer une culture commune autour du moindre recours ;
  • stabiliser les équipes et limiter le turn-over ;
  • renforcer l’image et l’attractivité de l’établissement.

Le moindre recours n’est pas une contrainte réglementaire de plus :
c’est un investissement durable dans la qualité du soin psychiatrique.

Les résultats observés : ce qui change réellement

Dans les établissements accompagnés, nous constatons notamment :

  • diminution des situations d’escalade ;
  • apaisement des relations soignants/usagers ;
  • réduction progressive des pratiques restrictives ;
  • amélioration du climat d’équipe ;
  • augmentation du sentiment de sécurité ;
  • renforcement de l’alliance thérapeutique ;
  • baisse des conflits ;
  • équipes plus confiantes dans leur capacité à agir autrement.

Mais surtout : la culture change.
Le moindre recours devient une évidence partagée, portée à la fois par les équipes, les usagers et l’institution.

Transformer les pratiques, c’est transformer les relations

Réduire l’isolement et la contention ne se fait pas par décret.
Ce n’est pas un protocole de plus, ni une formation ponctuelle, ni un poster affiché dans une salle de soins.

C’est une transformation profonde des manières d’être ensemble, de comprendre la crise,
de partager le pouvoir et d’organiser le soin en psychiatrie.

Notre approche systémique, collaborative et ancrée dans le rétablissement permet aux équipes et aux usagers
d’avancer ensemble, dans un modèle réellement gagnant-gagnant, en lien avec les recommandations nationales et les enjeux de moindre recours.

Et lorsque les relations changent, les pratiques changent.
Lorsque les pratiques changent, la coercition diminue.
C’est une conséquence naturelle, durable, apaisée.